Entretien avec Alexandre PAX, directeur technique
L’ISTS, dans le cadre de sa mission d’action culturelle, a accueilli au Théâtre Benoît XII et au cloître Saint-Louis, plusieurs événements du festival « C’est pas du luxe ». Ce fut l’occasion d’échanger avec son directeur technique, Alexandre PAX, au sujet de l’organisation de ce festival du point de vue technique et d’en évoquer les spécificités au regard, plus largement, de son parcours professionnel et de son engagement dans nos métiers. Un parcours qui s’est constitué des expériences de plusieurs directions techniques et de régie générale, notamment à la Cité des arts de la rue pour Lieux Publics (Centre National des arts de la rue et de l’espace public), au GMEM (Centre National de Création Musicale de Marseille), pour le festival Villeneuve en Scène à Villeneuve-lès-Avignon ou pour le Festival de Marseille. A noter également qu’Alexandre PAX est accompagné à l’ISTS dans sa démarche de VAE en vue de l’obtention de la certification professionnelle de Directeur technique des entreprises du spectacle vivant.
Comment devient-on Directeur technique de « C’est pas du luxe ! » ?
J’ai toujours eu une appétence pour les festivals. D’abord en tant que festivalier puis, par la suite, en tant que professionnel en régie son, régie générale puis en direction technique.
J’ai connu des expériences professionnelles très variées tant par les esthétiques que par les genres. La diversité des contextes scéniques et des formes artistiques a aiguisé mon sens de l’adaptation et ma créativité afin de trouver des solutions techniques. « C’est pas du luxe ! » regroupe plusieurs disciplines artistiques à intégrer dans des théâtres, lieux d’expositions, patrimoniaux, provisoires et dans l’espace public.
Accompagner la création artistique dans le cadre d’un festival représente pour moi un challenge stimulant. C’est l’occasion de partager et de mettre à profit mon expérience de responsable technique afin d’offrir une organisation la plus fluide possible, en répondant au mieux à la vision de la direction artistique, tout en considérant l’expérience du spectateur. C’est aussi une aventure humaine avec des équipes, artistes, publics et partenaires.
« C’est pas du luxe ! » est un projet unique en son genre qui accompagne le montage de projets artistiques avec des personnes en grande précarité au sein des réseaux de la Fondation Abbé Pierre, d’Emmaüs et de l’ensemble du champ de la grande exclusion. Convaincu de l’importance de la culture dans nos vies, j’ai été sensible au fait de pouvoir participer à un projet culturel qui donne à toutes et tous la possibilité de créer, de se découvrir et d’inventer.
Quelles sont les principales composantes d’un tel événement ?
« C’est pas du luxe ! » se déroule tous les deux ans sur trois jours. C’est la résultante d’un processus d’accompagnement de projets artistiques co-créés au sein d’associations de lutte contre l’exclusion par le biais d’atelier de pratiques et de résidences artistiques se déroulant entre deux éditions.
60 projets artistiques réunissant 600 artistes amateurs et professionnels sont intégrés sur 33 sites avignonnais (espace public, lieux patrimoniaux, théâtres, cinéma et lieux d’expositions).
Cet atypique projet est le fruit d’une coopération entre de nombreux acteurs et structures partenaires : les fondateurs, qui sont la Fondation Abbé Pierre, La Garance – scène nationale de Cavaillon, l’association Le Village et l’artiste associé Christophe Loiseau ; les co-organisateurs, Emmaüs France et la Ville d’Avignon ; les partenaires locaux et nationaux qui sont trop nombreux pour être cités.
Quelle est l’organisation pour la réalisation technique de l’événement ?
En phase de production, en étroite collaboration avec la coordinatrice du festival, il s’agit dans un premier temps d’être très disponible pour rencontrer les multiples partenaires connus ou à venir du festival ; les sensibiliser sur la démarche et les objectifs et définir ensemble les possibilités d’accueil, d’implantation et de collaboration.
Dans le même temps, le comité d’organisation composé des fondateurs, des co-organisateurs et de l’équipe de production, se réunit au minimum une fois par mois afin d’acter les orientations du projet dans tous les domaines, dont la programmation. Des œuvres collectives, figures de proues, sont produites par le festival : l’exposition « Les mètres carrés » à l’église des Célestins, la création musicale « Ephémère Orchestra » à la place Saint-Didier, le bal chorégraphié à la FabricA et enfin la création des visuels de communication, de l’affiche du festival et d’une exposition à la Chapelle Saint Michel par les résidents des pensions de famille.
A l’issue de la sélection des projets artistiques, c’est le moment d’esquisser les besoins techniques et de partager les projets avec mes nombreux homologues : directeurs techniques, régisseurs généraux (des lieux d’accueil et de la Garance) et le régisseur général des expositions. L’intégration des œuvres dans les lieux de représentation et d’exposition s’affine au fur et à mesure. Au-delà des demandes « GN6 » (d’utilisation exceptionnelle de locaux autres que ceux autorisés) je sollicite le SDIS 84 (Service Départemental d’Incendie et de Secours) pour avis et je dialogue avec eux autour des possibilités d’adaptation et des mesures compensatoires à prendre selon les contraintes d’exploitation et la réglementation ERP.
Enfin, je suis en lien très étroit avec la ville d’Avignon tout le long de la construction du projet : service des fêtes et des animations, département de la culture, services techniques et logistiques.
Quelles sont les particularités de l’accueil au cloître Saint-Louis et au Théâtre Benoît XII ?
C’était une première pour Bérengère Monier, nouvelle directrice technique du théâtre Benoit XII. Nous nous connaissions déjà, donc cela facilite le travail de collaboration. Nous avons repéré les lieux et lors de la réception des premiers éléments artistiques, Bérengère et son équipe ont pris la main sur la relation aux artistes et l’organisation technique. Tout s’est parfaitement déroulé et les artistes, particulièrement ceux amateurs très largement présents, ont été très heureux de l’accueil technique réalisé dans des conditions professionnelles. Il s’agissait des projets « Fabrique poétique » de Philippe CODECO avec le SPAP – Pension de famille de Nîmes, et de Wanderlust, avec le Collectif Omhart et le Foyer Notre Dame des sans -abris.
Je suis habituellement attentif aux questions d’accessibilité et encore plus pour « C’est pas du Luxe ! » car le festival accueille potentiellement plus de personnes en situation de handicap (artiste ou public) que sur d’autres événements. Au Théâtre Benoit XII, une personne en fauteuil roulant ne pourra pas accéder en salle : ce sont des choses qui arrivent également dans d’autres ERP (Etablissement Recevant du Public). De même, si un ou une artiste est en fauteuil, l’accès aux loges situés sous la scène n’est pas possible, ainsi que le passage entre la loge et la scène.
L’accueil dans la cour du Cloitre Saint-Louis s’est déroulé simplement grâce au concours du régisseur technique des lieux d’exposition pour la ville d’Avignon. Il s’agissait d’une installation sur le thème de l’écologie créée par Cassandra Naigre et les résidents de La Passerelle-Avignon, intitulée « Les ombres juste avant les forêts ». L’œuvre plastique était facile à installer en extérieur autour de la fontaine.
Concernant l’occupation de la salle audiovisuelle de l’ISTS, j’étais à la recherche d’un lieu pour la diffusion de la création radiophonique du projet « Podcast- Collectif. Vis ma vie » de l’artiste Alix Lepienne, avec des résidents de pension de famille de la Grand-Combe, de Montpellier et d’Alès, Cela a résulté du souhait de l’ISTS de soutenir le festival. C’est ainsi que j’ai échangé notamment avec José Garcia (directeur pédagogique de l’ISTS) et Fabrice Gerber (responsable de formations de l’ISTS) pour commencer à réfléchir ensemble aux conditions de réalisation de cet événement dans cet espace, et ainsi imaginé la possibilité d’occuper la salle audiovisuelle de l’ISTS. L’ISTS m’a également mis en contact avec le régisseur général, Frédéric Caron, qui a géré impeccablement la conception, l’implantation et la scénographie en collaboration avec l’équipe technique de la Garance.